Homélies du dimanche

Homélie prononcée par le Père Charles-Marie RIGAIL le 26 octobre à l’église Saint Pierre-Saint Paul lors de la célébration de 11 h 00.

 

Chers frères et sœurs, vous aurez repéré dans les lectures de ce jour, une méditation, une réflexion sur la pauvreté : la première lecture (Ben Sira le sage 35,15-17,20-22), le psaume (33) qui répond à la première lecture, puis l’Évangile (Lc 18, 9-14) qui est aussi en écho à ces lectures.

(Quand on est dans le temps ordinaire, la 2e lecture n’a pas forcément de lien avec les autres.)

En tout cas, les trois lectures dont je viens de vous parler, parlent systématiquement de la pauvreté du cœur. Et effectivement, c’est quelque chose qui revient souvent dans la bouche de Jésus, et c’est la première des béatitudes, quand on lit les béatitudes chez Saint Mathieu, au chapitre 5, on entend : « heureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux ». Les béatitudes c’est toujours un peu le portrait-robot de Jésus, vous le savez, on découvre en lisant les béatitudes, ce qui se trouve au fond du cœur de Jésus, ce qui fait sa personne, ce qu’il est venu nous transmettre comme cœur, comme trésor, comme joyau de l’Evangile.

Mais quand on entend cet Évangile pour la première fois, on peut se dire, est-ce que Jésus n’est pas un peu, comment dire « démago »? Dans le sens où ça pourrait paraître un peu facile de louer le publicain qui ne fait quand même objectivement pas que des belles choses et de critiquer le pharisien qui lui fait quand même pas mal de choses : il  jeûne plusieurs fois par semaine, il s’occupe probablement des démunis, des pauvres. Enfin, il fait tout ce qu’il faut comme il faut : il fait les choses bien. Mais alors il ne faut pas se tromper dans ce que Jésus veut dire, parce que Jésus ne loue pas, tout à fait, ce qui fait la caractéristique d’un publicain. Jésus, ce qu’il loue chez le publicain, c’est son cœur de pauvre, voyez, et c’est ce cœur qu’il est difficile à avoir quand on est riche et c’est pour cela qu’il y a une petite critique sur la richesse, parce qu’en fait, lorsqu’on est riche, le cœur est déjà plein et le Seigneur pour venir nous rejoindre, a besoin d’une faille, Il a besoin d’un creux, Il a besoin d’un espace. Et si on est déjà « tout comme il faut » et qu’on est dans sa zone de confort et que tout est déjà bien fait comme il le faut, et bien alors le Seigneur n’arrive pas à venir, il le peut, mais il faut qu’on lui laisse l’espace. Et là, vous voyez, en se frappant la poitrine, le publicain lui,ouvre son cœur au Seigneur et laisse la place pour que la miséricorde descende en lui. C’est ce qui fait la différence entre les deux hommes. Au niveau du compte en banque, ça ne devait pas être bien différent, il est même probable que le publicain qui, comme le dit très justement Saint Luc dans l’Evangile, est un collecteur d’impôts, le publicain était probablement plus riche que le pharisien, parce que le pharisien devait faire l’aumône régulièrement, le publicain, c’est l’inverse, le publicain, il collecte les impôts et à cette époque, quand on collecte les impôts pour l’occupant en général, on se paye avec. Donc probablement qu’il était plutôt riche. Souvenez-vous de Zachée, Zachée est un publicain, souvenez-vous de Mathieu, Levi, celui qui va être appelé par Jésus pour devenir apôtre, lui aussi est un publicain. Visiblement ils n’ont pas de problèmes de fin de mois. Non, ce que le Seigneur vient chercher chez nous, c’est cette faille qui lui permet de descendre dans nos cœurs. Mais alors là où c’est compliqué. C’est que lorsque l’on s’adresse à une assemblée aussi variée que celle de ce matin, on sait très bien, je sais très bien que il y a différents profils, et que parmi vous il y en a qui sont parfois un peu scrupuleux, qui vont penser qu’ils ne font jamais assez, qui sont toujours un peu tendus sur la question de : « mais est-ce que ,Seigneur, je fais ce qu’il faut ? Est ce que, Seigneur, je fais assez, est-ce que je ne peux pas faire plus ? » Qui sont sans cesse en train de se préoccuper de savoir si le Seigneur les aime, savoir s’ils font assez pour plaire au Seigneur, et caetera, Et à ceux-là, il faut quand même de temps en temps dire un peu comme le Seigneur dit à Marthe dans l’Évangile, « Ouh là là. Du calme, tu t’inquiètes, et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire, choisis la meilleure part, Pose-toi et regarde le Seigneur qui t’aime ». Oui tu as des défauts, oui tu ne fais pas forcément assez, oui tu pourrais faire plus, mais le Seigneur t’aime déjà tel que tu es et Il met sa confiance en toi. Il regarde avec bienveillance tous tes efforts, donc que ça ne t’inquiète pas,que ça ne te préoccupe pas.

Et puis il y a au milieu de nous d’autres personnes dont je suis probablement, qui eux sont plutôt dans leur zone de confort et qui font peut-être un peu moins que ce qu’ils pourraient. En tout cas spirituellement, parlant, et qui ont besoin de temps en temps d’être un peu secoués, secoués par les paroles de l’Évangile un peu fortes, secoués par le Seigneur, secoués par la Providence, pour qu’ils deviennent en fait eux-mêmes, vous voyez ? Et qu’ils ne soient pas des versions diminuées de ce qu’ils peuvent être et ces versions un peu diminuées, c’est : « On a réussi à peu près sa vie sociale. » Ça fonctionne bien, les gens trouvent qu’on est des gens bien, on fait ce qu’il faut à peu près pour que tout se passe bien. On reste dans notre zone de confort, notre vie spirituelle est bien installée, on pourrait faire plus, mais on fait déjà pas mal. Et c’est à ceux-là peut-être que l’Evangile d’aujourd’hui s’adresse pour recevoir un petit peu d’énergie, un sursaut, pour que le Seigneur nous dise : peut-être que pour que la faille se fasse. Eh bien, il faut que tu sortes un peu de ta zone de confort.  Tu t’es habitué à ta vie spirituelle, tu te contentes de ce que tu es capable de faire. Peut-être que le Seigneur te demande un peu plus. Peut-être que le Seigneur vient te chercher au-delà de ce que tu crois pouvoir donner, et tu verras que ça t’accomplira, parce qu’en fait tu vaux peut-être un peu mieux que ça. Alors à ceux-là on aurait envie de dire : Ne te prends pas trop au sérieux, au contraire, prends Dieu au sérieux, prends ta foi au sérieux et puis essaye d’avancer encore un peu.

Alors entre les deux je ne sais pas où chacun se situe, j’ai dit les deux, vous prenez ce dont vous avez besoin ce matin :

Les encouragements à contempler le Seigneur et à entrer dans la joie du Maître.

Ou au contraire, l’encouragement à aller un peu plus loin, à pousser.

Alors ce qui m’a fait sourire en lisant les lectures d’aujourd’hui et en les préparant et en les priant. C’est que si dans l’évangile, Jésus loue l’attitude du publicain qui était humble. Et bien vous avez Saint Paul qui lui dans la lecture, dit, « j’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne ». En en termes d’humilité, on pourra peut-être repasser. On a quand même l’impression d’un contre témoignage à première vue, en tout cas de Saint Paul.

Et alors ? Si j’ai parlé de tout ça jusqu’à présent, c’est parce que je crois qu’il faut distinguer 2 choses, il faut distinguer l’humilité, que loue Jésus dans l’Évangile et la pusillanimité, mot qu’on n’emploie pas beaucoup, je vous l’accorde, qui est le manque d’audace, celui qui craint les risques, celui qui ne veut pas prendre de responsabilité. Et IL y a toujours un peu un risque lorsqu’on veut être humble, de tomber dans la pusillanimité, c’est à dire de vouloir faire petit, de vouloir faire pauvre, de vouloir faire trop simple alors qu’en fait on peut chercher autre chose et quand le Seigneur nous demande d’être humble, il nous demande de vouloir quelque chose de grand. Parce que l’humilité, pour Jésus, c’est grand. Lorsqu’il s’adresse à ses disciples qui lui ont dit : « Ah, on aimerait bien avoir la première place », il leur dit d’une certaine manière, vous avez raison de vouloir aller loin, de vouloir aller haut, de vouloir être saints. Maintenant vous vous trompez, ce n’est pas la première place dans ces cas-là qu’il faut prendre, c’est la dernière, alors oui : Vous avez raison d’avoir de l’ambition. Mais prenez la dernière place et c’est ça que Jésus nous dit et donc l’humilité ne doit pas nous pousser à la pusillanimité, et en parallèle, vous avez l’orgueil, l’orgueil qui est l’attitude de celui qui a le cœur gonflé de lui-même, rempli de lui-même. C’est le pharisien de l’Évangile. Et vous avez un autre concept, qu’on n’emploie pas beaucoup non plus, qui s’appelle la magnanimité. La magnanimité : en vocabulaire courant, c’est la bonté, la clémence. Mais en termes spirituels, c’est la grandeur d’âme. C’est l’ambition spirituelle, c’est l’amour des grandes choses. Et notre humilité ne doit pas nous faire perdre notre magnanimité, nous savons que nous sommes faits pour ce qui est bon,pour ce qui est beau, pour ce qui est grand, pour plus, pour ce qui est vrai. Et alors on a le devoir de le chercher, vous voyez ? Et que notre humilité ne nous pousse pas à pouvoir toujours réduire nos ambitions, à nous dire : « Ah bah de toute façon, moi je suis pauvre, moi je suis petit,  je suis capable de rien, alors que le Seigneur nous dit, mais non, avance, cherche. Effectivement, tu dois essayer de viser le beau, de viser le grand, de viser ce qui te donne un peu d’ambition. » Et on le voit chez les catholiques régulièrement, quand on demande : « qui veut bien prendre la responsabilité de ce service ? », et bien beaucoup baissent les yeux en disant, « soyons un peu humbles et disons : non. » Alors qu’en fait, ce n’est pas forcément une bonne attitude spirituelle. L’attitude spirituelle, ce serait de dire, alors moi je ne suis pas capable, mais comme je sais que je suis aimé du bon Dieu, que j’ai raisonnablement quelques capacités pour le faire, que le Seigneur m’a donné, alors j’accepte cette charge, non pas parce que je suis meilleur, parce que je la mérite et parce que je ne sais pas pour quelle raison personnelle, mais parce que je veux me mettre au service, parce que je sais que je peux faire quelque chose dans ce service et que je voudrais que ce service aille bien, qu’il rende le service qu’il doit rendre, qu’il soit attaché à sa tâche, vous voyez, c’est ça la magnanimité. Il faut reconnaître que dans l’Eglise, parfois, on en manque à cause de cette humilité qu’on a tellement bien intégrée qu’on oublie qu’en fait, eh bien, ce qu’on fait doit dire ce en quoi on croit, vous voyez, on est toujours un peu surpris que dans nos églises, on ait quand même parfois l’impression que ce soit compliqué. Évidemment, on fait beaucoup d’efforts ici et je loue tous ceux qui, chaque semaine, viennent, mais pendant longtemps et dans pas mal d’églises. En fait, mon garage est quand même plus propre hein ? Ici c’est différent, il y a des travaux. Voilà. Mais c’est vrai que quand on rentre, on se dit, mais est-ce que c’est vraiment la place qu’on veut pour le Seigneur ? Est-ce que quand les gens de la ville rentrent dans ce lieu. On se dit. Ah voilà un lieu où il se passe la chose de plus importante de l’histoire de l’humanité :  Le Seigneur qui vient nous rejoindre. Parfois non. On se dit, Bah non, ça a l’air d’être un peu poussiéreux, ça a l’air d’être mal rangé, il y a des papiers qui trainent, y a des choses qui ne sont pas rangées, y a des rubalises partout comme on n’en laisserait pas traîner dans notre maison. Voyez, on ne donne pas à voir ce en quoi on croit et ce à quoi je nous encourage parce que nous sommes tous touchés par ça, c’est de se dire : « Bah en fait, il faut que nous soyons cohérents. » Si le Seigneur nous a sauvés, si le Seigneur nous a donné le plus grand cadeau, si le Seigneur nous a donné la vie et la joie alors, il faut que notre vie soit en concordance avec ça. Et qu’elle nous attire vers ce qui est bon, le beau, vers ce qui est grand. Cette humilité, elle est nécessaire. Mais elle ne doit pas non plus nous faire oublier que le Seigneur nous a rachetés et qu’il est venu nous chercher.

Alors, frères et sœurs, ce matin, rendons grâce de cette beauté de l’Évangile, parce qu’on est toujours émerveillés de voir cet équilibre que le Seigneur veut nous donner. Il ne nous enferme pas, au contraire, il nous libère et il vient chercher chacun d’entre nous là où il en est avec son tempérament.

Que le Seigneur ce matin, eh bien nous appelle. A un peu plus d’humilité, à un peu plus de magnanimité et ces deux attitudes bien comprises, alors nous ferons découvrir que si nous sommes effectivement appelés à des grandes choses. Eh bien, nous n’en sommes capables que parce que le Seigneur nous prend par la main, que parce que c’est sa grâce qui agit en nous, et en fait, on ne peut faire de grandes choses que si on laisse une faille pour que le Seigneur vienne lui-même agir en nous.

C’est ce qu’on peut demander ; C’est ce qu’on demande chaque dimanche, chaque fois qu’on communie : Seigneur, je t’ouvre mon cœur, viens le remplir, et ensemble avec toi, uniquement par toi. Nous ferons de belles choses.

Amen