EGLISE SAINT BENOIT-JOSEPH LABRE

Nous sommes en 1883, un moment faste pour l’église. A St Pierre-St Paul, il faut célébrer jusqu’à huit messes le dimanche, tant les fidèles sont nombreux. Il n’y avait à cette époque, à l’emplacement actuel de l’église Saint Benoît qu’une simple chapelle qui appartenait aux sœurs de la Sainte Enfance, des sœurs qui tenaient l’école Ste Colombe.

En 1901, un premier curé fut nommé, l’abbé Virleux, qui malgré l’extrême pauvreté de ce milieu ouvrier (12.000 habitants), maintint les écoles libres et patronages, créa un atelier d’apprentissage de serrurerie et d’ajustage. Jusqu’alors c’était les prêtres de St Pierre St Paul qui assuraient l’office du dimanche.

St Benoît est une des plus humbles églises de quartier de la ville de Lille, avec son simple manteau de briques et son minuscule campanile ; elle n’en impose pas face à ses voisines qui sont St Pierre-St Paul, la paroisse mère, et St Joseph aujourd’hui détruit et réduit à l’état de chapelle.

Cette église de style roman, fut bénite par le chanoine Carton le 22 novembre 1889. Elle servit d’abord aux sœurs de la Sainte-Enfance comme chapelle privée. Or peu à peu, on habitua les enfants et les fidèles du quartier à la fréquenter. Elle fut dédiée à St Benoit Labre, ce saint né à Amettes dans le Pas de Calais. Un saint qui fut un S.D.F. de son temps ; il était bien en place dans ce quartier.

« Benoit Labre…connait pas ! » c’est la réponse d’un jeune du quartier de Wazemmes à qui je posais la question. ; Il est vrai que cet homme né en 1748 à Amettes dans le Pas de Calais, il y a quand même 270 ans, a eu le temps de se faire oublier.

Pour le situer, disons qu’il a vécu au « siècle des lumières » : Montesquieu, Voltaire, Jean-Jacques Rousseau. Ajoutons qu’il est mort six ans avant la prise de la Bastille. De son temps, Benoit était considéré comme un vagabond. Ne le surnommait-on pas le « vagabond de Dieu. », « l’ermite pèlerin », et même parfois « le pouilleux d’Amettes » ! A l’âge de vingt ans il décide de rentrer dans la solitude d’un cloitre mais personne ne veut de lui. Partout on lui reproche son jeune âge et « sa sauvagerie inculte et malpropre ». C’est alors que se révélera sa véritable personnalité. Ramant à contresens, il vouera sa vie à Dieu en faisant des pèlerinages à travers toute l’Europe. En parfait SDF de son époque, il passera dix années sur les routes dans des conditions misérables. Il ira jusqu’au bout des épreuves, des humiliations, des privations, de la route, de sa foi… Arrivé à Rome en 1779, exténué et malade, il ne quittera plus cette ville et s’effondrera sur les marches (en 1783) de l’église Sainte-Marie des Monts en laissant derrière lui une immense ferveur.

Si à mon tour je vous posais la question, aujourd’hui, presque 240 ans après sa mort, Benoit Labre peut-il intéresser les gens d’aujourd’hui ? A-t-il encore quelque chose à nous dire ? Nous serions surpris de ne pouvoir répondre : « comment ce pauvre qui connut le mépris, comment ce vagabond dont on se moquait, ce mendiant qu’on chassait, connut à sa mort une si grande popularité ? Sans doute reconnaissaient-ils en ce pauvre un homme habité par Dieu. En notre siècle préoccupé de sécurité, de confort, d’efficacité, ce vagabond dérange nos certitudes un peu courtes.

A l’origine, les sœurs de la Sainte-Enfance avaient fait installer au dessus du maître-autel une statue de N.D. de Pellevoisin. A droite, se trouvait une reproduction de la grotte de Lourdes (aujourd’hui disparue) ; à gauche, les fonds baptismaux ; le maître autel était en marbre blanc ; le tabernacle en bronze doré représentait le Christ, bon pasteur, portant sur ses épaules l’agneau égaré ; le banc de communion, en fer forgé, était l’œuvre d’un paroissien ; les peintures derrière l’autel représentaient des anges portant les clous, la lance , le vêtement de Jésus et le linge avec lequel Véronique avait essuyé le visage de Jésus sur le chemin du calvaire . Et au dessous, comme pour rappeler l’enracinement de la paroisse, un plan des rues où vivaient les 12.000 habitants du quartier.

Au fur et à mesure des années, le chœur a retrouvé un aspect moins sévère. Le décor du chœur fut refait dans les années 1930-1940 par l’abbé Pruvost, prêtre artiste du diocèse. Il fut recouvert de peinture en 1967, et n’en subsiste d’une grande figure d’ange, sur le coté gauche. Les portes en bois et fer forgé des confessionnaux trouvèrent place sur les murs autour du maître-autel, ainsi que des portraits peints de St Benoit Labre et une tapisserie retraçant les grandes étapes de sa vie. Les vitraux furent refaits et la cloche réinstallée.

Puis est venu le temps d’une grande rénovation, lancée en 2015, et achevée en 2017 par l’installation de la fresque de Philomène Zeltz (voir l’article dédié). L’intérieur, entièrement repeint en blanc et gris clair est à la fois lumineux, simple et apaisant. . Les voisins, la communauté de Magdala, et les compagnons de Benoit Labre qui assurent deux fois par semaine une permanence d’écoute, ont fait de L’église un lieu de vie et de prière en union avec le saint. Ces signes forts de présence et de communion aux pauvres, aux démunis s’expriment également par l’installation d’un nouvel autel, provenant de l’ancienne chapelle de la prison de Loos.

Aujourd’hui, 135 ans après sa naissance, l’église St Benoit se porte bien.

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